30 juin 2020

Et maintenant place à l’action !

Intersections

Au regard du temps long, nous savons que les crises précipitent l’histoire. Elles catalysent les idées et les forces existantes, et enfantent des ruptures qui s’inscrivent dans la continuité du temps long. Certaines de ces ruptures sont tragiques. Elles précèdent les plus vertueuses, comme nous le montrent les deux guerres mondiales et leurs suites positives avec la création de la SDN remplacée par l’ONU en 1945.

La crise sanitaire actuelle n’échappe pas à cette règle. Nous assistons ainsi à l’émergence ou au renforcement de forces antagoniques. Celles qui luttent pour le maintien des pires travers du système existant et d’autres qui s’appuient sur la démonstration faite par la crise sanitaire des limites de notre modèle civilisationnel pour proposer, à minima, des amendements à ce modèle et au mieux, un contre-modèle plus vertueux et durable.

Ainsi, à l’heure de la crise de la Covid 19, se multiplient les plateformes de réflexions autour de la question d’un « monde d’après » résolument écologique, socialement plus juste et économiquement relocalisé. Toutes ses initiatives ont en commun qu’elles s’appuient sur des réflexions qui précèdent la crise sanitaire actuelle pour promouvoir des mesures à même de répondre à la résurgence d’un phénomène épidémiologique similaire.

Certes, il est légitime de tirer des conclusions spécifiques à la crise sanitaire, mais on peut noter que la grande majorité des mesures évoquées pourrait aussi participer à la résorption des effets des crises environnementales, économiques et sociales à venir. Cela s’explique par le fait que les idées avancées appréhendent la crise systémique globale et proposent des solutions concrètes visant la réduction de ces multiples conséquences, et ce, à toutes les échelles et dans tous les domaines.
Dans les champs de la conception/réalisation/gestion des espaces urbanisés et naturels, les réflexions « Post-Covid 19 » que l’on voit émerger s’attachent à imaginer les évolutions souhaitables de l’habitat, de l’architecture, des espaces publics, de la ville et des territoires. De la petite à la grande échelle, nous pouvons citer de manière non exhaustive les propositions suivantes :

·  L’usage des matériaux locaux, de réemploi ou biosourcé pour des constructions économes, génératrices de savoir-faire et d’un tissu économique localisés,
·  Le logement évolutif, non-standard et la mutualisation des usages et/ou le logement plus grand,
·  La réversibilité des espaces bâtis et le développement des usages éphémères,
·  Le développement des espaces extérieurs (publics ou privés) plus généreux, mieux répartis et/ou permettant une diversité d’usages suivant les périodes du jour, de la semaine, et de l’année,
·  La multiplication des espaces de nature en ville,
·  Une meilleure répartition des fonctions urbaines (rapprochement entre habitat, commerces, travail, infrastructures de santé…),
·  Une plus grande synergie des villes et leurs campagnes environnantes pour le développement des circuits courts via une agriculture raisonnée et de moyens logistiques adaptés.
·  Le développement d’un métabolisme urbain et territorial vertueux, pensé à toutes les échelles, intégrant l’agriculture, l’industrie, le numérique, la logistique et le transport,
·  La restructuration sur lui-même du modèle métropolitain en mobilisant les orientations citées ci-dessus
·  La revitalisation des villes petites et moyennes et de leur territoire d’influence comme l’une des solutions à la crise métropolitaine entrainant le déclin du monde urbanisé en milieu rural,
·  La territorialisation des activités humaines et des aménagements présents et futurs qui les accueillent
·  L’articulation de toutes les échelles de réflexions, du planétaire au local, dans une conjugaison des processus d’action bottom-up et top-down, privés et publics,
·  Le développement de coopérations internationales pour des aménagements territoriaux capables de s’adapter à tout phénomène nouveau (crises, changement climatique…).

Tout cela existe ou a déjà existé et, en toute hypothèse, précède la crise actuelle. Projets architecturaux, urbains ou territoriaux remarquables, expériences contemporaines ou réflexions théoriques d’hier et d’aujourd’hui : l’Homme dispose de la connaissance pour agir, ici et maintenant.

Trop cher ? Il est contre-intuitif d’imaginer que nous avons toutes les ressources financières pour mettre en œuvre de telles orientations d’aménagement, pourtant, de nombreuses expériences passées et présentes nous démontrent que c’est bien le cas. Pour en être convaincu, il suffit de faire la comptabilité inverse en s’interrogeant sur le coût du statu quo face aux crises à venir. La démonstration de la crise sanitaire est criante : le PIB mondial a chuté de 19 %, soit près de 1 500 milliards de dollars pour le seul mois d’avril 2020 (cf. l’OFCE).

Face à la crise systémique globale et à l’interdépendance de tous les phénomènes qui en résulteront, ce qui fait défaut ce ne sont donc pas les ressources financières, mais, dans nos champs d’action : 

·  la synthèse holistique des savoirs, ceux dont on hérite de nos anciens et ceux que l’on peut recueillir  auprès de nos contemporains comme ceux issus des plus haut niveaux d’expertises techniques et scientifiques actuelles.

·  la coordination des actions à mener sur le territoire qui ne peut avoir lieu sans le partage des idées.

Un tel horizon est-il atteignable ? Sans pouvoir y répondre, il semble qu’un consensus émerge quant à la direction générale à prendre. Il nous semble que c’est par le développement de projets architecturaux, urbains et territoriaux concrets et démonstrateurs que nous participerons à l’évolution des consciences. Pour en créer les conditions, les architectes-urbanistes, sont devenus stratèges et pédagogues, en organisant les processus collégiaux de conception et réalisation des projets et, en utilisant la représentation du projet comme moyen essentiel pour la construction et le partage des idées.

Pour répondre à la nécessité d’intégration des savoirs, nous avons , en tant qu’architectes-urbanistes, réuni un collectif de réflexion et d’action le plus divers possible permettant un dialogue entre un philosophe du langage et anthropologue social, une spécialiste du métabolisme territorial, un écologue, un paysagiste, un économiste, un géographe, des ingénieurs, des constructeurs, un artiste,  des spécialistes de l’agriculture de proximité, de l’habitat participatif, de la réhabilitation , du patrimoine, de la communication et plusieurs architectes aux compétences complémentaires, assurant la synthèse dans l’espace des réflexions collectives.

Et maintenant, place à l’action !

STUDIO MUNDIS, AGDA et AGARI architectes, Juin 2020