◀︎  Et demain

19 juin 2020

La (re)découverte du local

Nathan Daunit et Joséphine Parreau

Etudiants en architecture à l’ENSA Paris-Val de Seine

S’il a été tentant de quitter l’étroitesse des logements que propose la ville pour rejoindre la campagne, ce besoin d’espace et de nature révèle une nécessité à laquelle la métropole du XXIème siècle ne répond pas encore totalement. Le confinement, en réduisant drastiquement nos déplacements et notre consommation nous a plongés du jour au lendemain dans un retour aux fondamentaux. La limite de circulation d’un kilomètre autour du domicile nous a fait redécouvrir notre environnement proche. Si cette crise liée à la pandémie de la Covid-19 nous a plus que jamais bousculés sur notre mode de vie urbain, quelles leçons pouvons-nous en tirer ? Comment a évolué notre rapport à la nature, au local ? Vers quoi tend notre qualité de vie, en matière de logement, de déplacements quotidiens, de qualité de l’air et d’environnement ?

Selon la définition donnée dans le Larousse, le « local » se définit comme étant « particulier à un lieu, à une région, à un pays ». Il se rapporte ainsi aux usages, activités et coutumes d’un territoire, qui fondent sa spécificité, sa singularité. Depuis les années 1990, on a pu observer un processus de mondialisation au sein duquel les échanges commerciaux entre pays influencent notre consommation et modifient notre rapport à notre territoire de proximité, en apportant une large variété de biens et services venus du monde entier. Ce système économique ne favorise pas le développement local face à la pression constante d’une concurrence internationale, toujours plus productive et compétitive. Dans le même temps, le développement d’internet et des mobilités, ayant conforté le schéma d’une société mondiale, offre la possibilité d’appréhender le monde entier et ainsi d’autres cultures, mais au risque d’effacer les spécificités de chacune. En effet, la grande variété de nos civilisations et de nos savoir-faire constitue un héritage primordial. En 1952, l’anthropologue et ethnologue Claude Lévi-Strauss alertait déjà l’UNESCO sur « la nécessité de préserver la diversité des cultures dans un monde menacé par la monotonie et l’uniformité ».

Dans son ouvrage Le patrimoine en question, l’historienne et théoricienne Françoise Choay invite à reconquérir notre « compétence d’édifier », identitaire, car propre à chaque civilisation, pour faire face à un urbanisme de plus en plus décontextualisé. La ville de Wuhan, épicentre de la Covid-19, en est un exemple. Les tours d’habitation, construites sur un même modèle et à un rythme effréné, effacent derrière elles terres agricoles et villages ruraux, pour laisser place à des paysages génériques et monotones.

Cette expérience de la proximité que nous avons vécue peut nous encourager à revoir nos modes de vie, dans un but collectif et pour un avenir meilleur. Ce futur rempli d’incertitudes engage les acteurs de la ville à s’investir dans cette perspective de renouveau et de résilience. Si les grands centres urbains ont égaré ce rapport à la nature et au local, pourtant intrinsèque à l’Homme, cette pandémie pourrait être le levier majeur d’une société en réconciliation avec son territoire.

Nathan Daunit et Joséphine Parreau, Juin 2020

Lorsque l’on parle d’architecture décontextualisée, on peut prendre comme exemple la ville de Wuhan, berceau et épicentre de la pandémie de la Covid-19, où développement urbain rime avec gated communities écrasant toute trace du territoire.