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12 juin 2020

Bâtir en terre et en fibres végétales : redonner du sens à nos vies et à nos métiers

Amàco

Au-delà de toutes les considérations écologiques, économiques, sociétales ou culturelles, la terre et les fibres végétales pour construire, ces matières dites géo ou biosourcées recèlent un pouvoir émotionnel puissant. Le bâti construit avec ces ressources disponibles à portée de main ou juste sous nos pieds s’inscrit dans un paysage qu’il reflète tel un miroir et semble comme le prolongement de l’œuvre de la nature. 

Se sentir proche de la nature, besoin partagé par le plus grand nombre, s’est révélé vital à l’ensemble de la société. La contemplation d’un champ de blé ou une promenade en forêt déclenche en nous des émotions profondes à la fois bienfaitrices et essentielles à notre équilibre psychique. Les constructions en terre ou en fibres végétales, à la fois saines et confortables, nous permettent cette reconnexion à la nature, à nos racines, à la terre que nous habitons. La beauté de ces matières déclenche l’envie de les toucher. Elle nous invite par l’exploration de la main à une véritable expérience sensorielle de perception haptique où notre corps tout entier interagit et découvre son environnement. Ces matières éveillent nos sens et nous apaisent. En ces temps troublés où nous sommes privés de tout contact physique avec nos semblables et parfois même de contact avec la nature quand nous habitons au cœur des villes, ces privations sont vécues comme un déracinement, une perte d’ancrage et une déconnexion avec le réel. Elles nous révèlent, comme une évidence, une cruelle prise de conscience du manque de vivant et de simplicité dans notre quotidien.

Nos villes denses où nos corps sensibles sont malmenés nous envoient comme une injonction cet appel de la nature à nous en rapprocher. Il est urgent de repenser nos pratiques de bâtisseurs en considérant à leurs justes valeurs ces matières bio et géosourcées que l’on trouve ici, au cœur et aux portes des villes. S’approprier l’intelligence du vernaculaire et ses savoir-faire millénaires, c’est ré-ancrer l’acte de bâtir dans un paysage et faire corps avec ce territoire. C’est aussi mettre en lumière le travail des artisans dont le savoir-faire est la clé de voûte de la beauté et de la pérennité de nos édifices. Véritable défi pour l’architecture contemporaine, les matières du sol et du champ sont aussi une des voies les plus optimistes pour construire demain : elles redonnent du sens à nos métiers. Ces ressources à la fois disponibles et abondantes nous assurent une construction saine à toutes les étapes du chantier et de leurs usages. Le travail de l’artisan s’effectue dans de bien meilleures conditions.

Changer nos pratiques, c’est bien sûr sortir de notre zone de confort et faire l’effort de déconstruire nos idées préconçues pour s’ouvrir pleinement à d’autres modes de construire. Il nous faut (ré)apprendre à manipuler ces matières naturelles pour en comprendre le comportement et pouvoir mieux construire. Il ne s’agit pas seulement d’un apprentissage cognitif où seul le cerveau serait en action, mais où tout le corps et ses sens sont impliqués et participent pleinement à ce processus : la main pour le toucher et les gestes ainsi que le ventre et le cœur pour la compréhension empathique et profonde de ces matières, etc. Remettons nos corps à leur juste place, comme les principaux récepteurs et vecteurs de messages d’apprentissage. Nous pouvons compter sur la terre et les fibres végétales, ces matières brutes au pouvoir émotionnel si puissant, pour nous aider à bâtir et vivre mieux ensemble.


Équipe amàco, juin 2020