Cette fonctionnalité requiert l'utilisation de cookies
Vous pouvez modifiez vos préférences cookies ici
Le mardi 17 mars, le confinement est décrété.
Bien-sûr, comme tout un chacun, d'abord un effet de sidération.
Ensuite, très vite, l'impression de l'extra-ordinaire, de l'entre-temps. Dans un contexte exceptionnel, enfin du temps pour réfléchir, finir tout ce qui est en retard, faire une pause dans l'urgence, trier, ranger, raisonner, avancer tous ces projets à long terme sans cesse remis.
Et puis, là aussi rapidement, comment enseigner ?
Mon activité de professeur s'opère dans un aller-retour permanent entre le projet (en design en ce qui me concerne) et ce qui s'est déjà fait (la référence) et ce qui est en train de se jouer (l'en-cours). Pour cela, le dialogue, la discussion, le croquis vite jeté pour se comprendre, l'entretien individuel comme pierre angulaire de l'avancement des travaux, les temps collectifs pour faire un point sur tel auteur, tel projet, telle pensée en action.
Les premières réunions de groupe sur des supports de vidéoconférences sont un peu hésitantes. Dois-je faire un ordre du jour, les étudiants vont-ils proposer des thèmes, des sujets, allons-nous vers des revues de projets en ligne ?
De fait, tout se met en place dans un débit régulier. Se voir en petit groupe deux fois par semaine, ouvrir les discussions par des questions quasi personnelles, avoir le sentiment de traverser une période cruciale, comme une communauté s'organise pour se protéger d'un danger. Devenir proches (curieux paradoxe), rejouer les enjeux d'autorité (pas de pouvoir évidemment, mais de savoir, d'analyse, de guidage), faire preuve de légereté tout en étant ferme sur les fondements de la méthode, de l'exploration du processus de projet. Se dire aussi qu'on se fréquente plus, plus souvent, plus cordialement, plus régulièrement. Non interrompus par tous les obstacles de la vie institutionnelle. « Cette semaine, je suis pris par le concours d'entrée, par une réunion, par une commission, etc ». Et oublier les vacacances, les premiers mai, les contingences qui distancient le programme de travail. Un grand continuum de temps en somme.
Se répartir les tâches d'organisation. Chloé gère gère les rendez-vous Zoom, les codes d'accès, les horaires obligatoirement stricts. Je prépare des fiches entre deux réunions, pour préciser telle ou telle référence convoquée et les envoie par mail. Frédéric lit les documents qui préparent les sujets de discussion. Chacun intervient sur tout, donne son avis et, in fine, chacun s'attribue une compétence et un rôle. Le graal de l'enseignement, c'est arriver à associer des étudiants complémentaires, et en les poussant à se spécialiser, à être aussi compétents qu'ils le disent.
Et puis des inattendus.
Mon beau miroir numérique me montre en train de parler. Content ou mécontent, je m'approprie cette image de moi, je la domestique, elle m'appartient et indirectement module mes interventions.
Les temps de parole se succèdent en ordre, l'un après l'autre, sur un signe envoyé. Le respect de la parole de l'autre devient la règle. Impossible de se couper la parole, au risuqe de finir dans un embrouillamini de sons numériques déformés.
Je suis chez moi et ailleurs en même temps, et je vois un peu de chez l'autre. Victoria est lovée dans son lit, Frédéric nous montre les toits de Marseille et le Vieux Port depuis son bateau, chez Chloé on entend les cloches de l'église voisine, un chat passe, Delphine met son casque parce qu'il y a une autre réunion dans son séjour.
Dernier choc, les bilans, les évaluations, les diplômes mêmes sont bouleversés. Et notre rythme de sénateur pour pousser chaque projet individuel s'augmente de la nécessité de gérer les outils de la sortie de l'école. Alors qu'en est-il d'un enseignement du projet, qui s'accompagne d'un travail fort prosaïque sur les documents de définition et de présentation de l'identité sociale de chacun futur professionnel ? Est-il dévalorisé ou entre-t-il dans une autre phase ?
Bien-sûr, comme tout un chacun, d'abord un effet de sidération.
Ensuite, très vite, l'impression de l'extra-ordinaire, de l'entre-temps. Dans un contexte exceptionnel, enfin du temps pour réfléchir, finir tout ce qui est en retard, faire une pause dans l'urgence, trier, ranger, raisonner, avancer tous ces projets à long terme sans cesse remis.
Et puis, là aussi rapidement, comment enseigner ?
Mon activité de professeur s'opère dans un aller-retour permanent entre le projet (en design en ce qui me concerne) et ce qui s'est déjà fait (la référence) et ce qui est en train de se jouer (l'en-cours). Pour cela, le dialogue, la discussion, le croquis vite jeté pour se comprendre, l'entretien individuel comme pierre angulaire de l'avancement des travaux, les temps collectifs pour faire un point sur tel auteur, tel projet, telle pensée en action.
Les premières réunions de groupe sur des supports de vidéoconférences sont un peu hésitantes. Dois-je faire un ordre du jour, les étudiants vont-ils proposer des thèmes, des sujets, allons-nous vers des revues de projets en ligne ?
De fait, tout se met en place dans un débit régulier. Se voir en petit groupe deux fois par semaine, ouvrir les discussions par des questions quasi personnelles, avoir le sentiment de traverser une période cruciale, comme une communauté s'organise pour se protéger d'un danger. Devenir proches (curieux paradoxe), rejouer les enjeux d'autorité (pas de pouvoir évidemment, mais de savoir, d'analyse, de guidage), faire preuve de légereté tout en étant ferme sur les fondements de la méthode, de l'exploration du processus de projet. Se dire aussi qu'on se fréquente plus, plus souvent, plus cordialement, plus régulièrement. Non interrompus par tous les obstacles de la vie institutionnelle. « Cette semaine, je suis pris par le concours d'entrée, par une réunion, par une commission, etc ». Et oublier les vacacances, les premiers mai, les contingences qui distancient le programme de travail. Un grand continuum de temps en somme.
Se répartir les tâches d'organisation. Chloé gère gère les rendez-vous Zoom, les codes d'accès, les horaires obligatoirement stricts. Je prépare des fiches entre deux réunions, pour préciser telle ou telle référence convoquée et les envoie par mail. Frédéric lit les documents qui préparent les sujets de discussion. Chacun intervient sur tout, donne son avis et, in fine, chacun s'attribue une compétence et un rôle. Le graal de l'enseignement, c'est arriver à associer des étudiants complémentaires, et en les poussant à se spécialiser, à être aussi compétents qu'ils le disent.
Et puis des inattendus.
Mon beau miroir numérique me montre en train de parler. Content ou mécontent, je m'approprie cette image de moi, je la domestique, elle m'appartient et indirectement module mes interventions.
Les temps de parole se succèdent en ordre, l'un après l'autre, sur un signe envoyé. Le respect de la parole de l'autre devient la règle. Impossible de se couper la parole, au risuqe de finir dans un embrouillamini de sons numériques déformés.
Je suis chez moi et ailleurs en même temps, et je vois un peu de chez l'autre. Victoria est lovée dans son lit, Frédéric nous montre les toits de Marseille et le Vieux Port depuis son bateau, chez Chloé on entend les cloches de l'église voisine, un chat passe, Delphine met son casque parce qu'il y a une autre réunion dans son séjour.
Dernier choc, les bilans, les évaluations, les diplômes mêmes sont bouleversés. Et notre rythme de sénateur pour pousser chaque projet individuel s'augmente de la nécessité de gérer les outils de la sortie de l'école. Alors qu'en est-il d'un enseignement du projet, qui s'accompagne d'un travail fort prosaïque sur les documents de définition et de présentation de l'identité sociale de chacun futur professionnel ? Est-il dévalorisé ou entre-t-il dans une autre phase ?
Ronan Kerdreux, Mai 2020
Participants : Chloé Bideau, Victoria Mouton, Delphine Mullenbach, Alban Magd, Amadéa Simeonov, Aseel Kraedi, Simiao Yang