◀︎  Et demain

6 mai 2020

“Demain, on fait quoi ?” dit-il. On se lève et on arrive en ville.

Alice Frémeaux

Urbaniste
"Demain, on fait quoi ?", demande-t-il. 
bah ...on fait les courses, on prépare à manger, on garde, on éduque, on soigne, on lave, on nourrit, on aide, on nettoie, on sert, on SBAM, on encaisse, tous les coups, on baisse les yeux, on accélère notre pas, on renonce, on fatigue, on disparaît.

“Demain, après le covid et son confinement, on fait quoi ?” demandent-ils.
Cette crise appellerait donc un questionnement spécifique.
La crise sociale et écologique mondiale, criante depuis un demi-siècle, ne suffit-elle déjà pas?
Difficile d’espérer alors l'ouverture soudaine du chemin de la transition !
“On n'est jamais suffisamment triste pour faire que le monde soit meilleur. On a trop vite faim de nouveau”, écrivait Elias Canetti. 

Après cet arrêt brutal de l’économie, la faim risque d’être assez vive et, pour beaucoup, on le constate déjà, le besoin de repartir rapidement - et en avant comme avant ! - puissant.
Plus que la spécificité de cette crise, et la question posée, ce sont donc les réponses et contributions qui m’ont ici interpellée.
Un fait, relayé dans plusieurs médias, a relativement peu inspiré les contributeurs : 
dans la guerre que mène le valeureux zizi présidentiel, les premières lignes, les stratèges du confinement et de l’espace domestique, ses victimes aussi, et les soignants à l'arrière ne sont pas les soldats d’une guerre viriliste, mais bien, en grande majorité, des professionnelles et citoyennes.
Or, dans la ville, ses temps, lieux, bâtiments et espaces, son utilisation des ressources financières (voire naturelles), ses décisions et pratiques professionnelles : quelles sont les forces en présence ? qui les possède et en dispose ? 
Si cette crise suscite un questionnement et des réponses spécifiques, pensons donc à ceux qui aujourd’hui nous accompagnent et nous soutiennent dans cette période : celles-là mêmes !
Pensons à leur faciliter la vie (la cuisine ouverte comme service rendu à la vie de femme pourrait peut-être être transcendée… et l’articulation entre travail domestique et professionnel approfondie par l’architecture et l’urbanisme).
Pensons à leur adoucir les lieux et la ville, 
à prendre soin,
à tous être tendres et attentifs à chacun, 
Pensons à leur faire prendre place, partout,
dans la gouvernance de nos villes et leurs décisions, dans les instances citoyennes, dans la profession (ce qui est vrai pour les cheffes de gouvernements est vrai ici), dans les cours de récréation, dans l'affectation des ressources publiques (pour rappel, “75 % des budgets municipaux destinés aux loisirs des jeunes s’adressent en réalité aux seuls garçons.”), dans les transports, sur les pistes cyclables, dans le temps et ses loisirs, dans le jour et la nuit, dans l’insouciance et le plaisir de profiter de la ville, des lieux publics, de ses architectures et d’un chez-soi. 
Pendant ce confinement, on m’a fabriqué un masque (je ne sais malheureusement pas coudre, et encore moins bénévolement) et je me suis fabriquée à sa lecture les lunettes éco-féministes de Jeanne Burgart-Goutal.
De quoi mieux regarder la ville et nos pratiques professionnelles, et d’y voir plus clair le lendemain matin.

Alice Frémaux, Mai 2020