La butée architecturale

Dans la leçon V de son séminaire, « L’objet de la psychanalyse », Jacques Lacan avance la notion de « butée », notion que nous pourrions déplacer pour en produire une autre et dire ce que nous cherchons à penser en interrogeant la dimension spatiale du soin, ou encore ce que nous pouvons nommer une fonction soignante de l’architecture et, plus généralement, de l’espace. « […] contrairement à ce qu’on dit, ce n’est pas l’expérience qui fait progresser le savoir. Ce sont les impasses où le sujet est mis d’être déterminé par la mâchoire, dirais-je du signifiant. Si la proportion, la mesure, nous la saisissons, au point de croire et sans doute à juste titre que cette notion de mesurer c’est l’homme même : l’homme s’est fait, dit le présocratique, le monde est fait à la mesure de l’homme.[1]»

◀︎  Retour

« L'Homme debout », fenêtre sculptée de la salle de vie, Le pavillon de l'Orbe de l'hôpital Charles-Foix, André Bruyère, 1991 © Fonds Bruyère.SIAF / Cité de l'architecture et du patrimoine / Archives d'architecture contemporaine

Cynthia Fleury, philosophe

Éric de Thoisy, Collectif SCAU

9 juillet 2022
28 min.
Dans cette leçon, Lacan pose le « moi fonction de méconnaissance », et non pas comme « fonction du réel » ; il établit le « tore », le trou, et ce qui se joue au « bord », comme s’il voulait donner à voir, à saisir de façon sensible et pourtant mathématique ce qui se joue entre le sujet, le désir, l’inconscient, le réel, la névrose, ce qui se joue comme psychanalyse et comme connaissance. Les trous, les impasses, les apories, les points de butée – notion que Lacan a bâtie à partir de la notion de perspective, indispensable à la peinture et à l’architecture – sont définis ici en tant que matérialité même de la connaissance. Alors on pourrait se saisir de cette notion pour l’ouvrir vers celle de « lieux-de-butée » ou encore d’« espaces-de-butée », afin de pouvoir penser ce qui fait défaut, ce qui échappe à la synthèse, précisément ce réel, mais il faut bien, malgré tout, l’appréhender, tenter de le rendre habitable ce réel, même s’il ne le sera jamais définitivement. Donc, poser l’architecture comme une pensée qui progresse à partir des espaces-de-butée, de ces lieux dans lesquels se constitueront ou non des formes, des dispositifs, des bâtis, des maisons, des hôpitaux, ou des friches, dans ces lieux où le vulnérable fait levier parce qu’il fait impasse, dans ces lieux où le vulnérable est un point de butée, permettant précisément de faire advenir une pensée du soin qui ne se la raconte pas, comme aurait pu l’écrire Lacan.
Il fallait donc chercher ces lieux-tores, ces lieux-trous, soit ces lieux de butée sur la surface du globe. Il y avait aussi cette autre inspiration, plus onusienne, faussement pragmatique et néanmoins efficace, qui consistait à poser sur la surface du globe des hotspots de la biodiversité, censés être régulateurs pour préserver les services écosystémiques universels. Là aussi, le pas de côté était simple, assez intuitif : il était certainement possible d’établir une carte des hotspots de la vulnérabilité, qui n’aurait pas la même exhaustivité que celle des Nations unies mais qui pourrait donner à penser, à voir, à « architecturer » un monde différent de celui qui nous est proposé et que la plupart d’entre nous jugent trop inégalitaire, trop « dépossédant ». En établissant cette carte des hotspots de la vulnérabilité, il serait peut-être possible de modéliser plus intelligemment, avec plus de complexité et de sensibilité à la singularité des situations, des formules d’habitabilité, des manières d’habiter le monde, qui prennent appui sur les connaissances dévoilées au bord de ces lieux de butée. En prenant soin de ces lieux, en comprenant ce qui s’y joue comme manque, comme déficit, comme névrose du monde, il serait peut-être possible de faire évoluer le niveau d’intelligence et d’efficacité de la gouvernance mondiale, qui avait – pour l’instant – cette compétence quasi parfaite à manquer ses objectifs. Peut-être après tout ne voulait-elle que les manquer. Alors il y avait une possibilité de la prendre à son jeu, d’user de ses outils pour les rendre plus poétiques et néanmoins opérationnels. S’il fallait commencer à dresser cette carte, il y aurait à coup sûr les différents cercles de Fukushima, tant ils nous enseignent l’intersectionnalité de l’industrialisme et de la dérégulation du climat, à moins qu’elle ne soit la même. Un lieu anthropocénique par excellence, qui délivrerait à l’avenir bien des messages et des protocoles pour nous sortir de cette impasse désormais irréversible. Il y aurait aussi une mine de terres rares, un espace de butée exemplaire pour obliger la science architecturale dans sa diversité à produire de l’habitable. Il y aurait, dans une histoire plus occidentalo-centrée et plus en résonance avec le sujet qui nous anime ici, les lieux de butée où s’est édifiée une démarche institutionnelle de soin. Les lieux de psychiatrie ont porté assez haut cette exigence de la « clinique du lieu ».


Il y aurait, dans une histoire plus occidentalo-centrée et plus en résonance avec le sujet qui nous anime ici, les lieux de butée où s’est édifiée une démarche institutionnelle de soin. Les lieux de psychiatrie ont porté assez haut cette exigence de la « clinique du lieu ». 


Avant d’énoncer ces différents lieux assez symptomatiques des transformations de la vision de la santé et notamment de la santé mentale, revenons également sur cette « enveloppe » première, cette enceinte plus primaire qui est celle du corps et de l’enveloppe psychique. Il semblait improbable d’interroger la dialectique entre l’architecture et le soin sans convoquer les questionnements relatifs aux concepts et fonctions de « contenance[2] », d’« enveloppe », ou encore d’espace au sens thymique[3] , de moi-peau[4] , d’enveloppe institutionnelle[5] . À l’instar de Didier Houzel, il est possible de considérer un « lieu », notamment un lieu de soin, comme « un processus de stabilisation de mouvances pulsionnelles et émotionnelles qui permet la création de formes psychiques douées de stabilité structurelle[6]  ».

Travailler à la stabilisation, stabiliser un monde inhabitable car instable, c’est ce que l’on retient aussi d’autres voix entendues dans les années 1970, ces années qui ont constitué un « moment[7]  », un moment du soin et, conjointement, solidairement même, de l’architecture : ce sont les voix de Kenneth Frampton[8] , d’Henri Lefebvre côté français[9] , puis de David Harvey[10] , ceux qui ont déplacé l’arsenal marxiste pour donner à voir les mécanismes de l’espace en tant que « production ». L’espace capitaliste, nous ont-ils appris, avance et subsiste en déstabilisant ce qu’il trouve sur son passage, en effaçant tout bord et tout relief pour laisser le champ libre à la « circulation » des flux[11] , au ruissellement non entravé des liquidités. De cela résulte un espace homogénéisé, neutralisé, habité par nous autres réduits à des points sans dimension et encouragés à un mouvement permanent, éreintant, douloureux – « accidentellement, nous rampons[12]  ». Alexander Mitscherlich, observateur alerte et pionnier des relations entre « psychanalyse et urbanisme[13]  », en 1965, mettait justement en garde contre les ravages de l’homogénéité anonymisante des villes sur la santé des individus comme sur celle du « corps social » ; et, juste avant, l’architecte Claude Parent et le philosophe Paul Virilio[14]  balayaient cette orthonormalité et dessinaient un monde de pentes, habitable par le « poids », le « potentiel », mais aussi par la « fatigue » : un monde redessiné « à la mesure de l’homme », mais de l’homme contemporain, fatigué.
Pour Frampton également (qui procède en mariant efficacement Karl Marx et Martin Heidegger[15] ), il faut résister, il le faut en rebordant sans cesse, en bâtissant des digues même rapidement submergées, en posant des limites aux sens grec et heideggérien (la limite comme peras, c’est-à-dire la permission de « commencer » quelque chose, un soin, une cure, par exemple) ; border comme on creuse un sillon fondateur, comme on in-augure la cité[16] . Et, pour Lefebvre, il s’agit par ailleurs, en faisant cela, de solliciter une qualité féminine, « utérine », de l’espace – et l’on revient ainsi à l’enveloppe du corps, cette fois celle de la mère, de l’enceinte. Arrivés là, il y a deux voies. La première : on pense aux surréalistes, à André Breton, Tristan Tzara ou Roberto Matta Echaurren, dont on connaît les contributions sur la question de la psychiatrie (notamment après le passage de Paul Eluard à Saint-Alban[17] ), et qui furent aussi les premiers à sentir les ravages du modernisme, décrit dans Le Minotaure dès 1933 comme la « négation de l’image de la demeure[18]  ». Eux aussi préféraient la première architecture, celle de « nos mères », préféraient le womb au tomb – cette architecture du ventre, lieu d’un repos enfin possible, la « cavité parfaite[19]  » que Gaston Bachelard voyait également comme l’image profonde, inconsciente, que l’architecture ne se contenterait ensuite que de reproduire, de répéter, au sens mythologique du terme. Et la seconde voie : on pense plutôt aux lectures importantes et renversantes de Nicole Loraux[20] , qui a montré avec quelles précisions quasi démoniaques la conception d’une architecture « féminine » et « maternelle » s’était construite au prix d’une condamnation à mort de la femme, de la citoyenne ; la métaphore, pour être convaincante, devait faire oublier son premier modèle, qu’elle remplace et qu’elle enterre (littéralement, dans les fondations du bâti). L’apport ici de Loraux, et celui plus généralement des grilles de relecture féministes, est essentiel, comme il l’est dans les pensées contemporaines du soin et du care. Dans notre cas, disons que si l’architecture est soignante, si elle l’est comme et parce que la mère l’est, alors autant tirer profit du rapprochement en disant que ce soin-là devrait être good enough[21] : que l’architecture sache border, quand il le faut, et qu’elle sache aussi laisser partir, laisser filer, comme la maison bachelardienne est tenue en équilibre vertical entre sa cave, première et racinaire, et son grenier, « frondaison[22]  » et plateforme d’envol.


Dans notre cas, disons que si l’architecture est soignante, si elle l’est comme et parce que la mère l’est, alors autant tirer profit du rapprochement en disant que ce soin-là devrait être good enough : que l’architecture sache border, quand il le faut, et qu’elle sache aussi laisser partir, laisser filer, comme la maison bachelardienne est tenue en équilibre vertical entre sa cave, première et racinaire, et son grenier, « frondaison » et plateforme d’envol. 


Northwestern Memorial Hospital, Prentice Women’s Hospital and Maternity Center, Chicago, Bertrand Goldberg, architecte, maquette, 1970. © Chicago History Museum, Hedrich-Blessing Collection, nº HB-34206-A, nº HB-34206-F
On tombe, en fait, sur le paradoxe bien connu et inhérent à tout soin, celui qui tend ses fils entre « vulnérabilité » et « autonomie[23]  », et on remarque que, bien sûr, ce paradoxe a des conséquences ou des équivalents architecturaux ; au fil de l’histoire, innombrables sont ces lieux de soin qui hésitent ou rebroussent chemin entre éloignement (pour le bien toujours, mais le bien de qui ?) et rapatriement, entre ouverture sur la ville (au risque d’une normalisation contre-productive) et ré-édification des bords, qui nous manquent dès lors qu’ils tombent. Les lieux des institutions du soin sont là particulièrement concernés. Dans ces mêmes années 1970, qui voyaient le modernisme s’effriter, l’un des opposants les plus formalistes à l’architecture « abstraite » et « mécanisée », Bertrand Goldberg, choisit justement l’hôpital comme terrain de réponse[24] . Des espaces faits de « coquilles » (shell, egg, ou womb encore) et de « points focaux », couvant les alités, défient par le style le monde sans centre ni bord situé en dessous, celui du soin comme acte purement technique. En voyant cet enchevêtrement vertical d’un flatland ambulatoire et de grappes de nids perchés dans les hauteurs, et en nous référant à des grilles de lecture archaïques et jamais démenties, on peut d’abord croire à une redite de la dialectique fondatrice de l’habiter humain, telle qu’elle est par exemple prise en charge par les divinités sans âge : entre la « fixité » du foyer (le nombril de la déesse, Hestia) et l’« indéfiniment mobile » du voyageur, Hermès[25] . Mais, bien davantage, il faut observer que c’est la première des modalités qui cette fois-ci a droit à un traitement de faveur, et il fallait probablement le recul dont on dispose aujourd’hui pour saisir la véritable portée du geste de l’architecte américain, à Chicago et ailleurs : après vingt ans d’un « virage ambulatoire » qui a déjà largement modifié le fonctionnement et la forme de l’hôpital, il est troublant de retomber sur les productions d’une époque qui donnait la plus grande et la plus belle des places à ses patients en rémission, à ses convalescents. Et puis l’architecte pose une autre question, difficile, et essentielle pour nous : s’il existe de « nouvelles » architectures du soin dont on pressent, intuitivement, les qualités (human scale, lumière, air, vues…), des qualités présentes, notamment, dans les très réussis Maggie’s Centers construits à partir des années 1990, ces architectures passeront-elles, et comment, l’épreuve d’une nécessaire mise à l’échelle (à l’échelle de l’institution, de la cité) ? Goldberg, lui, croyait en cette possibilité d’un « humanisme industrialisé »…

Ces éléments font assez facilement écho, si l’on revient à des réflexions propres à la question psychique, aux différentes fonctions de réassurance, ou de soutènement[26] , ou encore de holding, handling[27] , ou « d’élaboration imaginative », ou de « fonction alpha[28]  », autrement dit ces jeux envisageables entre fonctions phorique, sémaphorique, métaphorique[29] . Ces interactions possibles entre enveloppe extérieure et enveloppe psychique sont extrêmement bien définies par les courants de la psychothérapie institutionnelle (François Tosquelles, Jean Oury, Félix Guattari[30]), ainsi que par des travaux d’éco-phénoménalité[31], qui reprennent la notion traditionnelle de l’ambiance[32]. Nul ne peut nier que les choix architecturaux produisent une « ambiance », elle-même responsable d’une asepsie, elle-même protectrice d’un certain bien-être des acteurs du lieu. Un « lieu » peut revêtir la fonction vectorielle de l’objet transférentiel, ou celle plus contenante de l’objet[33], alors même qu’elle dépasse la notion d’objet. Pour autant, un lieu fait « bord », et rend possible une dialectique entre « clinique du lieu » et « clinique du bord[34] ». Qu’est-ce qu’une institution qui prend soin de ? Comment celle-ci peut-elle être capacitaire pour le sujet, notamment vulnérable, et opérer telle une fonction symbolisante[35] ?


Selon les époques historiques, l’architecture des lieux de soin a donné à « voir » plus ou moins, à rendre visibles ou invisibles les corps, selon qu’ils témoignent de ce qui était historiquement posé comme « norme » et « pathologie ». 


L’éthique médicale et la philosophie nous enseignent que la naissance de la clinique est inséparable d’une autre pensée de l’architecture, et de son ouverture, de sa possibilité d’accompagner le mouvement des corps, d’être des lieux-tenant et pas simplement des contenants-enfermants. L’avènement du soin et la reconnaissance de la santé comme droit, dans son approche holistique, ont été indissociables d’une autre manière de concevoir la ville et les lieux de soin, de ne plus les réduire à des dispositifs d’enfermement et de marginalisation, dans la mesure où l’enfermement ne peut précisément pas produire une clinique décente. Dès lors, une ville s’édifie, se constitue en tant que cité-providence, par le fait même de mettre en œuvre une certaine philosophie de l’architecture des lieux institutionnels du soin : si celle-ci s’est d’abord constituée comme « dispositif technique », la rationalité scientifique étant l’outil par excellence de la première industrialisation et émergence de la question sociale, elle s’est par la suite structurée autour de l’ouverture, de la déstigmatisation, de l’insertion sociale, et de l’humanisation des rapports organisationnels et des lieux. Selon les époques historiques, l’architecture des lieux de soin a donné à « voir » plus ou moins, à rendre visibles ou invisibles les corps, selon qu’ils témoignent de ce qui était historiquement posé comme « norme » et « pathologie[36] ».

Les années 1970, on l’a vu déjà, ont été essentielles dans cette philosophie du soin, cette philosophie clinique, en proposant une transformation de la clinique psychiatrique inséparable de la transformation architecturale. Des « lieux » tenant les sujets se sont alors édifiés, profondément exemplaires de cette démarche phénoménologique, psychodynamique et sociothérapeutique, issue de la psychiatrie désaliéniste[37]. Le modèle de la « machine à guérir[38] » est devenu celui de la « personne à guérir » ou encore des équipes soignantes à guérir, ou encore de la « fonction soignante en partage[39] » à prendre en considération dans sa pluralité et sa plasticité : Saint-Alban avec Tosquelles, La Borde (Cour-Cheverny) avec Oury et Guattari, Le Vinatier (Lyon), La Chesnaie (clinique de Chailles). Aujourd’hui, quantité de lieux sont les héritiers, déclarés ou non, de ces mouvements humanisant la psychiatrie et déstigmatisant la santé mentale. Ce sont par ailleurs des lieux expérimentant des dispositifs architecturaux parce qu’ils considèrent que le souci de la dimension spatiale du soin est irréductible : on pense à L’Adamant (Paris), à Soteria (Berlin), à Ballerup (Danemark), aux structures de Sou Fujimoto à Hokkaido (Japon), à la clinique Caradoc (Bayonne), au Brain and Mind Research Institute à Sydney (Australie), ou encore, dans un registre assez différent, au village Alzheimer (Dax, France). Des hôpitaux-villages (extra-muros) au retour des hôpitaux urbains (intra-muros), qui peuvent réhabiliter des anciens bâtiments industriels ou faire fonction de tiers lieux pour certains de leurs équipements, la tendance architecturale a été, ces dernières années, d’hybrider les dispositifs, de convoquer l’éthique du care, de la plus psychopathologique (Donald Winnicott[40]) à celle, plus politisée (Joan Tronto[41]), d’incorporer l’énergie et les méthodologies des makers et des Fab Labs, tout en prenant en considération les apports de la géographie de la santé[42], avec la notion de « paysage thérapeutique » et les indicateurs liés à la place des éléments naturels (lumière, soleil, silence, qualité de l’air, accès aux jardins, aux espaces de biodiversité ordinaire ou remarquable, etc.) dans la résilience de la santé. Les architectes Giovanna Borasi et Mirko Zardini[43] ont d’ailleurs défini la nature comme une « peau végétale » censée revêtir tant les espaces extérieurs que les bâtiments.

L’appréhension des paysages thérapeutiques et des éléments naturels en tant que premier soin a été déterminante dans l’histoire de la santé, notamment celle des maladies infectieuses et respiratoires, le sanatorium d’Alvar Aalto à Paimio constituant une figure archétypale de cette tendance. Conniventes sont les réflexions de Le Corbusier et de Charlotte Perriand, qui considéraient l’architecture comme « biologique », se nourrissant prioritairement du soleil, des vues, du vide, et du silence, autrement dit une architecture se posant d’emblée tel un « milieu de vie » sain, au service de la santé de l’homme, un milieu capacitaire. Aujourd’hui, quantité de tiers lieux et de commons – la notion pouvant s’ouvrir à celle de care commons – tentent de rénover cette culture alternative du milieu, au sens où elle s’émancipe des normalisations institutionnelles. Au cœur de cette démarche, il y a autant les travaux d’Anne Lacaton et Jean-Philippe Vassal que ceux s’appuyant sur la participation active des habitants dans l’édification des choix architecturaux, ou encore ceux de Patrick Bouchain, avec « La Preuve par 7 », en référence aux sept échelles (le village, le bourg, la ville, la commune de banlieue, la métropole régionale, le bâtiment public désaffecté, l’outre-mer) qui peuvent être sollicitées sur les terrains d’expérimentation légitimés par l’article 88 de la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine.
L’essor de ces pratiques montre qu’une mise en relation entre architecture et soin implique un travail de fond, et de long terme, quant aux rôles et aux méthodologies de l’architecte. Et il n’est pas étonnant d’observer que c’est dans le Japon post-Fukushima que la profession, emmenée en particulier par Toyô Itô, a voulu poser les fondements d’une « architecture du jour d’après[44] ». Mea culpa de toute une discipline, car l’architecture pratiquée dans les années 2000 à coups d’évanescence et de transparence avait clairement manqué son coup, avait failli, en négligeant sa fonction première, prothétique, enveloppante, murale : tenir debout, et tenir avec elle ceux qui occupent les lieux. Le temps est donc venu de remettre de l’épaisseur, de pocherà nouveau les murs, de refaire abri, de descendre « des cimes imaginaires de la pensée abstraite[45] » pour refaire de l’architecture dans « ce monde-ci », pas dans celui de la cosa mentale de l’architecte mais dans celui que nous foulons de nos pieds, quand cela est encore possible du moins. Car des morceaux entiers de ce monde-ci, Fukushima par exemple, sont inhabitables et le resteront longtemps, mais c’est aussi sur ces terres brutalisées que d’autres formes d’habitabilité s’inventeront : il faut en effet, en suivant Achille Mbembe, croire en la « puissance de réserve »/la « réserve de puissance » contenue dans les géographies traumatisées[46].
Le moment des années 1970 contenait, encore une fois, certains des germes de ce que l’on voit se généraliser aujourd’hui. En 1969, paraissait le célèbre et toujours apprécié Architecture Without Architects de Bernard Rudofsky[47] : derrière l’éloge du vernaculaire et de l’expertise locale, toute l’architecture était implicitement visée, car elle avait oublié l’habitant, et la figure de « l’anti-architecte » qui, en réaction, émergeait. Bâtir mais le faire dans « un geste profondément antiarchitectural, geste non pas constructif, mais qui mine et ruine au contraire tout ce qui vit de prétentions édifiantes[48] », c’était d’ailleurs également le projet, littéraire (ou antilittéraire), de Georges Bataille, celui qui dénonçait la « chiourme architecturale » et les risques d’une culture du monument, rabaissant l’espèce humaine à « une étape intermédiaire entre les singes et les grands édifices[49]». Et on peut rappeler aussi l’héritage d’un autre « moment » des relations entre architecture et soin, deux siècles plus tôt. Des années qui ont suivi l’incendie de l’Hôtel-Dieu de Paris, en 1772, il faut retenir, à côté de la consécration du modèle technique et hors sol de l’hôpital-machine, une évolution décisive et conjointe qui a eu lieu sur le terrain des méthodes, des procédures, du « jeu d’acteurs » : élargi à cette occasion à des experts, comités, consultants[50], autant de voix aux intérêts divergents qui participeront désormais à la conception de l’architecture. Et c’est sur ce terrain-là qu’il nous faut aujourd’hui revenir également, en suivant Ito mais aussi Tronto, pour parler à notre tour d’élargissements du projet mais dans d’autres directions. Le care, pour l’architecture entre autres si on veut l’envisager comme caregiver, n’est pas tant une affaire de sensibilité, ce serait trop facile, mais de responsabilité. Responsabilités vis-à-vis des matières que l’architecte déplace, vis-à-vis des artisans et des ouvriers qui bâtiront le projet, vis-à-vis des individus et des groupes qui l’habiteront, vis-à-vis d’un site, de son histoire et des formes de vie qui l’occupent. Rappelons à ce propos que le traumatisme du séisme de Lisbonne, en 1755, avait auguré un virage dans l’histoire des arts, d’une tradition anthropocentrique vers un lent processus de « décentrement » dans la représentation du monde et de ses composants[51] ; de la même manière, les catastrophes contemporaines nous enjoignent de rallier enfin un « non-human turn[52] » déjà bien engagé par beaucoup dans les sciences sociales. Il reste encore, pour l’essentiel, à explorer les formes possibles d’une architecture dont on reprendrait les bases dans une logique de relationnalités.
De nos jours, les recherches aux confins de l’architecture et de la philosophie du soin deviennent plus interdisciplinaires, en s’ouvrant à des problématiques plus complexes, et intersectionnelles. Les travaux d’Elsa Dorlin[53] et d’Helen Zahavi[54] sur le « care négatif » (dirty care) sont également pertinents pour prendre à rebrousse-poil les éthiques du care qui ne déconstruisent pas assez les structures patriarcales et la violence de genre qui se jouent dans ces morales. En déplaçant ces approches critiques dans le registre architectural, il devient nécessaire de montrer comment l’architecture pense trop peu les partis pris de la domination derrière les présupposés architecturaux, comment elle interroge insuffisamment les conduites d’évitement du soin en tant que praxis de résistance et productrices d’une autre forme de soin, celui de l’émancipation, ou encore, comment chez Frantz Fanon[55], la décolonisation de l’être, véritable objectif du soin, se trouve prise au piège de l’institution médicale coloniale ; autrement dit, il s’agit d’éviter les deux écueils suivants : se soucier des dominants, est-ce encore du soin ? Et comment se soigner à l’intérieur d’une structure de domination ? En saisissant ces problématiques, l’enjeu est également de restaurer, voire de refonder, la confiance dans les institutions de soin, en démontrant qu’elles ne font pas exclusivement le jeu du pouvoir. Comment créer un espace qui ne soit pas voué à « l’architectonique du pouvoir » mais à l’architectonique du soin, sachant qu’il n’y a jamais de pureté de l’une ou de l’autre, mais des rapports de force plus ou moins équitables entre ces deux dynamiques ?
Quelle peut être cette architectonique du soin dans le cas des pathologies psychiatriques ? Oury parlait lui aussi de « l’ambiance » dans le processus psychothérapeutique, de l’importance de « définir l’ambiance, ce que j’ai appelé “les entours”[56] ». Définir les entours, les enveloppes, les bords à nouveau, comme si cette fois il fallait que l’architecture cherche délibérément à buter par endroits, qu’elle crée ces surfaces de butée et que l’individu puisse les frôler, s’y raccrocher, s’y fondre même. C’est ce que révèlent les lignes d’erre, traçant les trajets des patients cévenols que Fernand Deligny a suivis pendant dix ans, pour capturer l’invisible : ces pratiques de l’espace qui procèdent comme par tangence, mais qui, aussi, se révèlent organisées autour de « coïncidences ou chevêtres (lignes d’erre qui se recoupent en un point précis, signalant qu’un repère ou du commun se sont instaurés)[57] ». On sait par ailleurs que chez ces patients mutiques de Deligny, la quête d’une butée spatiale a à voir avec un langage qui a également buté, buté sur la formation des mots, sur la production d’un son destiné à un autre[58]. Pour ceux-là, sans parole, d’autres méthodes de subjectivation sont à enclencher (le « bonhomme n’y est pas », observent Deligny et Guattari dans d’autres dessins faits par les patients eux-mêmes ; le sujet n’y est pas). Que peut l’espace ici ? Le « milieu » a un rôle à jouer bien sûr, soutenait Deligny et, poursuivait-il, c’est d’ailleurs ce milieu qu’il faut « éduquer », non l’enfant. Et on peut croire que, dans ce contexte, c’est l’architecture elle-même qui se retrouve, d’un même coup, percutée dans sa propre relation au langage, dans sa traditionnelle fonction sémantique ou sémiologique, dans son rôle de prothèse symbolique conditionnant et augmentant la capacité de symbolisation propre à chacun.


La quête d’efficacité, en particulier dans le cas d’une architecture hospitalière et plus généralement sanitaire, est évidemment légitime, et même non négociable. Mais cela doit se faire sans diminuer la capacité de l’espace à produire du signe, c’est-à-dire du « repère » ou du « commun » au sens de Deligny. 


Il est difficile alors de ne pas voir que le moment 1970 (encore, une dernière fois) a été celui, aussi et précisément, d’une crise de l’architecture en tant que « signifiant » (Charles Jencks, Umberto Eco, Joseph Rykwert[59]…), une crise du modèle de la métaphore devenu trop assommant et trop lourd à assumer, ou devenu obsolète dans un monde ne voulant plus assujettir l’individu à des significations spatiales prédéterminées. Quant à l’autre moment mentionné, celui des années 1770 et de sa profusion de machines architecturales imaginées pour remplacer l’Hôtel-Dieu, il avait déjà été l’occasion d’un trouble similaire : l’architecture, un « savoir de nature largement linguistique », a soudainement été sommée de revoir sa méthodologie en s’appuyant sur « les questionnaires, les tables de population et les taux de mortalité[60] ». La quête d’efficacité, en particulier dans le cas d’une architecture hospitalière et plus généralement sanitaire, est évidemment légitime, et même non négociable. Mais cela doit se faire sans diminuer la capacité de l’espace à produire du signe, c’est-à-dire du « repère » ou du « commun » au sens de Deligny. Ludger Schwarte, dans son dernier ouvrage[61], prend la suite de ces discussions et défend une autre idée : l’architecture, en fait, « précède » le langage, elle est juste avant, elle est « à la limite du langage[62] » (une architecture archéologique – foucaldienne ?) ; le moment signifiant – la mâchoire de Lacan – glisse, partiellement au moins, de l’architecture vers l’habitation, de l’objet habité vers le sujet habitant. Comme un soin précède, prépare et se prépare à laisser partir (quitte à laisser revenir, même juste après, et même chroniquement).
Une autre grande question traverse depuis longtemps l’architecture : quelle place laisser à la trace traumatique dans l’édifice ? Où l’inscrire ? Comment la restituer pour éviter une dénégation d’un traumatisme, individuel et collectif ? Qu’en faire pour que le lieu devienne un tiers résilient ? Cette question n’est pas étrangère à tout travail thérapeutique qui cherche à définir les justes distance (par rapport au) et reconnaissance du traumatisme : comment dire l’inscription du temps, de l’histoire, de la mémoire, de l’imprescriptible parfois, d’un point d’irréversibilité au sens où il s’est joué un deuil, dans l’espace ? Comment spatialement donner à comprendre et à dépasser ce qui ne peut pas simplement se dire, ce qui voudrait s’oublier mais qui ne le peut pas, soit pour des raisons pathologiques, soit pour des devoirs de responsabilité ? Comment, précisément par l’inscription dans un bâti, une étendue, tenter l’aventure de la non-répétition de l’événement tragique ? Dans le contexte de la reconstruction post-traumatique des villes allemandes, Mitscherlich pressentait justement ces conséquences d’une architecture qui ferait « comme si aucune catastrophe ne s’était produite », faisant dès lors barrage à la « guérison psychique » de la société. Pour la cité comme pour l’individu, on sait qu’il y a la même impossibilité d’un retour en arrière psychique, on sait qu’il y a une « irréversibilité[63] », et que les espaces architecturés doivent accumuler, archiver, encaisser. Nous voilà donc sommés de reparler ici de l’une des fonctions constitutives de l’architecture, celle d’être un art of memory[64], un « gigantesque appareil orthopédique[65] » et donc, et aussi, mnémotechnique. Mais il semble que nous pouvons maintenant en parler dans des termes nouveaux. Car il existe, depuis le care – avec Joan Tronto, Martha Nussbaum[66]… – et avant (avec Günther Anders[67], par exemple), un postulat assez largement partagé : faire du soin un fondement des organisations passe par l’acceptation préalable d’une « vulnérabilité » irréductible et commune, quoique toujours différenciée, à chacun des individus. Ainsi, « l’obsolescence de l’homme » ne devrait plus lui faire « honte » (Anders) et, s’il y aura toujours un « malaise », il faudrait que ce malaise, propre au fond à tout ce qui est périssable, soit aussi reconnu comme une « singularité » que rien ne pourra concurrencer, surtout pas le pouvoir toujours défaillant des artefacts supposément immortels. Or l’architecture est l’un, si ce n’est le premier, de ces moyens sollicités par l’humain pour compenser son « retard » existentiel, pour transcender sa vulnérabilité, pour bâtir ce « grand et reposant déni[68] » qu’est la cité. Cette partie-là de l’histoire est-elle donc à reprendre, que l’architecture continue à jouer son rôle d’archive, essentiel à la résilience du projet humain, mais que cette archive soit finalement et véritablement habitable ? Au-delà de l’esthétique, c’est une question qui touche à ce qui fait histoire : comment, collectivement et individuellement, chacun participe à une fabrique civilisationnelle, s’inscrit dans un paysage mental qui viendra valider tel ou tel possible. Ludger Schwarte définit l’enjeu architectural comme celui d’être capable de dessiner « un monde qui a de l’avance sur nous[69] », de faire avec les formes, les bâtiments ce que d’autres font avec le langage.


Cette partie-là de l’histoire est-elle donc à reprendre, que l’architecture continue à jouer son rôle d’archive, essentiel à la résilience du projet humain, mais que cette archive soit finalement et véritablement habitable ? Au-delà de l’esthétique, c’est une question qui touche à ce qui fait histoire : comment, collectivement et individuellement, chacun participe à une fabrique civilisationnelle, s’inscrit dans un paysage mental qui viendra valider tel ou tel possible. 


Quel est ce monde qui a de l’avance sur nous ? Chacun connaît la trinité vitruvienne : la solidité (ce qui tient et soutient), l’utilité (ce qui sert et permet) et la beauté (ce qui inspire et nourrit). Elle reste indépassable, même si l’horizon nouveau invite à la réinterprétation et à la refondation des principes architecturaux. L’architecture se trouve face à un défi de taille, sans doute le plus sensible, et le plus immédiatement expérimentable, celui d’aménager le monde pour qu’il nous permette d’« atterrir », selon l’expression latourienne[70]. Atterrir, s’ancrer, demeurer, sans perdre toute velléité d’élan, percevoir précisément par l’horizontal de la matière l’immanente verticalité, parfois matérielle, toujours intelligible.


Publié dans l'ouvrage « Soutenir. Ville architecture et soin » édité par le Pavillon de l'Arsenal en 2022.




Cynthia Fleury
Philosophe et psychanalyste, Cynthia Fleury est aussi pro­fesseure titulaire de la chaire « Humanités et Santé » au Conservatoire national des arts et métiers (rat­tachée au GHU Paris psychiatrie & neurosciences). Depuis plusieurs années, elle a fait du soin l’un de ses principaux sujets de recherche et de réflexion. Son approche est celle d’une philosophe, également praticienne en psychanalyse, qui porte un regard sur la société en s’appuyant sur les maux rencontrés en clinique.

Éric de Thoisy

Architecte, docteur en architecture et directeur de la recherche de l'agence SCAU, Eric de Thoisy est également chercheur associé à la Chaire de Philosophie à l'Hôpital, en charge du séminaire "architecture et care", auteur « La maison du cyborg » (L'Harmattan, 2020)



1. Jacques Lacan, « L’objet de la psychanalyse » (1965-1966), séance du 5 janvier 1966, en ligne (https://ecole-lacanienne.net/wp-content/uploads/2016/04/1966.01.05.pdf).
2. René Kaës (dir.), Crise, rupture et dépassement, avec des textes d’A. Missenard, R. Kaspi, D. Anzieu, J. Guillaumin, J. Bleger, E. Jacques, Paris, Dunod, coll. « Inconscient et culture », 1979.
3. Voir Ludwig Binswanger, Le Problème de l’espace en psychopathologie, trad. C. Gros-Azorin, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 1998, chap. 2 : « L’espace thymique ».
4. Voir Didier Anzieu, Le Penser. Du Moi-peau au Moi-pensant, Paris, Dunod, 1993 ; et D. Anzieu, Le Moi-peau, Paris, Dunod, 1985.
5. Voir Didier Houzel, « Enveloppe familiale et fonction contenante », in D. Anzieu (dir.), Émergences et troubles de la pensée, Paris, Dunod, 1994, p. 27-40.
6. Ibid., p. 31.
7. Voir Frédéric Worms, Le Moment du soin. À quoi tenons-nous ?, Paris, PUF, coll. « Éthique et philosophie morale », 2010.
8. Kenneth Frampton, « Towards a Critical Regionalism. Six Points for an Architecture of Resistance », in Hal Foster (éd.), The Anti-Aesthetic. Essays on Postmodern Culture, Port Townsend (Washington), Bay Press, 1983.
9. Henri Lefebvre, La Production de l’espace, Paris, Anthropos, 1974.
10. David Harvey, Spaces of Capital. Towards a Critical Geography, Londres, Routledge, 2001.
11. Voir ibid. ; et D. Harvey, Géographie de la domination, Paris, Les Prairies ordinaires, 2008.
12. Edmund Husserl, L’Arche-originaire Terre ne se meut pas, 1934, in E. Husserl, La Terre ne se meut pas, Paris, Éditions de Minuit, 1989.
13. Alexander Mitscherlich, Psychanalyse et urbanisme. Réponse aux planificateurs, Paris, Gallimard, 1965.
14. Paul Virilio et Claude Parent, « La fonction oblique, 1965-1967 », en ligne (www.frac-centre.fr/collection-art-architecture/architecture-principe/la-fonction-oblique-64.html?authID=10&ensembleID=30).
15. K. Frampton, « On Reading Heidegger », in Oppositions, no 4, MIT Press, 1974.
16. Voir Ivan Illich, H2O. Les eaux de l’oubli [1988], trad. M. Sissung, Saint-Mandé, éditions Terre Urbaine, coll. « L’Esprit des Villes », 2020.
17. Voir notamment Paul Eluard, Souvenirs de la maison des fous, Paris, Gallimard, 1945.
18. Tristan Tzara, « D’un certain automatisme du goût », Le Minotaure, no 3-4, 1933.
19. Gaston Bachelard, La Terre et les rêveries du repos [1948], Paris, José Corti, coll. « Les Massicotés », 2010 (2e édition).
20. Nicole Loraux, Les Enfants d’Athéna. Idées athéniennes sur la citoyenneté et la division des sexes [1981], Paris, Seuil, coll. « Points Essais », 2007.
21. Comme l’est la « good-enough mother » chez Donald Winnicott (« The Good-Enough Mother », 1953).
22. G. Bachelard, La Terre et les rêveries du repos, op. cit.
23. Voir Paul Ricœur, « Autonomie et vulnérabilité », in Anne-Marie Dillens (dir.), La Philosophie dans la cité, Bruxelles, Presses de l’Université Saint-Louis, 1997.
24. Les termes, de Goldberg, sont rapportés par Michel Ragon, Goldberg. Dans la ville/On the City, Paris, Paris Art Center, 1985.
25. Jean-Pierre Vernant, « Hestia-Hermès. Sur l’expression religieuse de l’espace et du mouvement chez les Grecs », L’Homme. Revue française d’anthropologie, t. 3, no 3, septembre-décembre 1963.
26. Hermann Broch, Théorie de la folie des masses [1955], trad. P. Rusch et D. Renault, Paris, Éditions de l’éclat, 2008.
27. Voir D. Winnicott, L’Enfant et le monde extérieur [1957], Paris, Payot, 1972.
28. Wilfred R. Bion, Aux sources de l’expérience [1962], Paris, PUF, 1979.
29. Voir Pierre Delion, Fonction phorique, holding et institution, Toulouse, Érès, 2018 ; et P. Delion (dir.), La Pratique du packing avec les enfants autistes et psychotiques en pédopsychiatrie, Toulouse, Érès, 2007.
30. À ce propos, voir par exemple Jean Oury et Patrick Faugeras, Préalables à toute clinique des psychoses, Toulouse, Érès, 2013.
31. Bruce Bégout, Le Concept d’ambiance, Paris, Seuil, 2020.
32. Ces travaux s’appuient largement sur ceux de l’Allemand Hermann Simon, auteur d’Une thérapeutique plus active à l’hôpital psychiatrique, Berlin, Walter de Gruyter, 1929 ; ce texte a été traduit en français à l’hôpital de Saint-Alban.
33. Voir Ester Bick, « L’expérience de la peau dans les relations objectales précoces » (1967), in Meg Harris Williams (dir.), Les Écrits de Martha Harris et d’Esther Bick, Larmor-Plage, Éditions du Hublot, 1998.
34. Howard Buten, Quand j’avais cinq ans, je m’ai tué [1981], Paris, Seuil, coll. « Points», 2001.
35. Voir René Roussillon, « La fonction symbolisante de l’objet », Revue française de psychanalyse, vol. 61, no 2, PUF, 1997.
36. Georges Canguilhem, Le Normal et le pathologique [1966], Paris, PUF, coll. « Quadrige », 2013.
37. Voir Lucien Bonnafé, Désaliéner ? Folie(s) et société(s), Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 1992.
38. M. Foucault, Blandine Barret Kriegel, Anne Thalamy et al., Les Machines à guérir : aux origines de l’hôpital moderne, Liège, Mardaga, 1979.
39. La formule est de Jean Oury, médecin, directeur de la clinique de La Borde ; voir notamment son intervention intitulée « L’analyse institutionnelle », à Tours, en 2008, lors d’une journée de l’Association des psychologues de la région Centre (Aprec), en ligne (http://bibliothequeopa.blogspot.com/2009/07/jean-oury-lanalyse-institutionnelle.html).
40. Voir D. Winnicott, « Cure » (1970), in Claire Marin et Frédéric Worms (dir.), À quel soin se fier ? Conversations avec Winnicott, Paris, PUF, 2015, p. 19-38.
41 Joan Tronto, Un monde vulnérable. Pour une politique du care [1993], Paris, La Découverte, 2009.
42. Robin A. Kearns, Wilbert M. Gesler (éd.), Putting Health into Place. Landscape, Identity and Well-Being, Syracuse (New York), Syracuse University Press, 1998.
43. Giovanna Borasi et Mirko Zardini (dir.), En imparfaite santé : la médicalisation de l’architecture, Montréal, Centre canadien d’architecture/Baden, Lars Müller Publishers, 2012.
44. Toyô Itô, L’Architecture du jour d’après, Bruxelles, Les Impressions nouvelles, 2014.
45. Tim Ingold, Marcher avec les dragons, Bruxelles, Zones sensibles, 2013.
46. Achille Mbembe, Brutalisme, Paris, La Découverte, 2020.
47. Bernard Rudofsky, Architecture Without Architects : A Short Introduction to Non-Pedigreed Architecture, New York, Doubleday & Company, 1964.
48. Denis Hollier, La Prise de la Concorde [1974], Paris, Gallimard, 1993.
49. Georges Bataille, « Architecture », Documents, no 2, mai 1929.
50. Voir Blandine Kriegel, « L’hôpital comme équipement », in M. Foucault, B. Barret Kriegel, A. Thalamy et al., Les Machines à guérir […], op. cit.
51. Voir Thomas Schlesser, L’Univers sans l’homme, Paris, Hazan, 2016.
52. Richard Grusin, The Non-Human Turn, Minneapolis, University of Minnesota Press, 2015.
53. Elsa Dorlin, Se défendre. Une philosophie de la violence, Paris, La Découverte, coll. « Zones », 2017.
54. Helen Zahavi, Dirty Week-end, Paris, Presses Pocket, 1992.
55. Voir Alice Cherki, Frantz Fanon, portrait, Paris, Seuil, 2000.
56. Jean Oury, « Transfert, multiréférentialité et vie quotidienne dans l’approche thérapeutique de la psychose », Cahiers de psychologie clinique, 2003/2, no 21.
57. Gisèle Durand et Jacques Lin (dir.), Cartes et lignes d’erre/Maps and Wander Lines. Traces du réseau de Fernand Deligny, 1969-1979, Paris, L’Arachnéen, 2013.
58. Voir Nicolas Brémaud, « Autisme : de bords à corps », L’Information psychiatrique, vol. 87, no 8, 2011.
59. Citons entre autres donc : George Baird, Charles Jencks, Meaning in Architecture, Londres, Barrie & Rockliff, The Cresset Press, 1969 ; Joseph Rykwert, « Meaning and Building », Zodiac, no 6, 1960 ; Umberto Eco, « Function and Sign : the Semiotics of Architecture », in James Bryan Rolf Sauer (éd.), Structures Implicit and Explicit, Philadelphie, University of Pennsylvania, 1973.
60. Bruno Fortier, « Le camp et la forteresse inversée », in M. Foucault, B. Barret Kriegel, A. Thalamy et al., Les Machines à guérir […], op. cit.
61. Ludger Schwarte, Philosophie de l’architecture, Paris, La Découverte, 2019.
62. M. Foucault, L’Archéologie du savoir [1969], Gallimard, coll. « Tel », 2015.
63. Voir Catherine Malabou, Les Nouveaux Blessés, Paris, PUF, coll. « Quadrige », 2007.
64. Frances A. Yates, L’Art de la mémoire [1966], Paris, Gallimard, 1987.
65. José Ortega y Gasset, à Darmstadt, en 1951, lors d’une conférence restée surtout célèbre pour l’intervention de Heidegger ; voir J. Ortega y Gasset, Le Mythe de l’homme derrière la technique, Paris, Allia, 2016.
66. Martha Nussbaum, La Fragilité du bien [1986], Paris, Éditions de l’éclat, 2016.
67. Günther Anders, L’Obsolescence de l’homme [1956], Paris, Éditions de l’Encyclopédie des Nuisances, 2002.
68. Layla Raïd, « Care et politique chez Joan Tronto », in Pascale Molinier, Sandra Laugier, Patricia Paperman (dir.), Qu’est-ce que le care ?, Paris, Payot, 2009.
69. L. Schwarte, Philosophie de l’architecture, op. cit.
70. Bruno Latour, Où atterrir ? Comment s’orienter en politique, Paris, La Découverte, 2017.