Espaces Calmes

Paysages sonores métropolitains

5,00 € Novembre 2024

Espace-temps partagé, le paysage sonore de la ville est un constituant essentiel de notre environnement. Son impact sur la santé des êtres vivants est majeur, tant sur le plan psychologique que physiologique.

Soumises aux pollutions sonores de toutes sortes, Paris et la zone dense de l’agglomération constituent un territoire urbain où le silence est rare. La réduction de ces nuisances dépendant de l’éloignement de leurs sources ou de leur absorption par le cadre bâti, il est difficile de trouver des espaces publics apaisés.

La carte des Espaces Calmes, réalisée par Clémence Althabegoïty, designeuse, en collaboration avec Pierre Jamard, géomaticien à Bruitparif, identifie 22 lieux dont l’accès au public est gratuit, et dont le niveau de nuisances sonores se situe au-dessous de 40 décibels de moyenne annuelle. Dans chacun de ces lieux, situé dans un périmètre de 20 km autour de Paris et éloignés des pollutions sonores émises par les transports routiers, ferroviaires et aériens, les nuisances sonores se réduisent à un simple bruit de fond. Cette réduction des nuisances laisse alors place à d’autres expériences acoustiques. 

Cette étude acoustique et urbaine, révèle des paysages invisibles et fragiles de la métropole parisienne. Elle s’inscrit dans une transformation de la métropole vers un espace concentré sur le bien-être de ses habitants et invite à explorer, préserver et intégrer des espaces calmes lors de futurs projets d'urbanisme ou d'architecture. 
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Les effets bénéfiques du calme sur la santé et le bien-être sont multiples : réduction du stress, diminution de la fatigue et amélioration de la qualité du sommeil. L’appétence pour des environnements sonores apaisés augmente depuis la crise sanitaire. Essor du télétravail, recours accru aux modes de transport doux pour les trajets du quotidien, ces évolutions de nos modes de vie stimulent la demande et constituent autant de leviers pour développer et favoriser l’accès à des zones calmes (1). La notion de « droit à un environnement sonore sain », faisant suite à celui de « pollution sonore », a récemment été ajouté dans le Code de l’environnement, consacrant ainsi la prise de conscience de ce sujet.
Pour autant, le calme n’est pas le silence. Tout est affaire de ressenti et de sensibilité individuelle et les diverses définitions proposées laissent une certaine marge d’interprétation. Une zone calme, ce serait un espace public extérieur que son environnement sonore préservé rend propice à des activités de détente et de ressourcement.

Dans une démarche d’identification de zones calmes, doit-on dès lors retenir un seuil de décibels en-deçà duquel un tel espace resterait éligible à cette qualification, et, si oui, comment le définir ? Valeur de gestion assez réaliste en milieu urbain, 55 dB(A) en Lden, (Level day-evening-night) qui représente le niveau de bruit moyen pondéré au cours de la journée en donnant un poids plus fort au bruit produit en soirée (18-22h) et durant la nuit (22h-6h) pour tenir compte de la sensibilité accrue des individus aux nuisances sonores durant ces deux périodes, est fréquemment retenue par les acteurs locaux en charge de la caractérisation des zones calmes de leur territoire. D’un autre côté, l’Organisation mondiale de la Santé a formulé des recommandations, source par source cette fois, sensiblement inférieures, qui peuvent être considérés comme des objectifs de qualité à même de protéger la santé des publics les plus vulnérables. On peut donc proposer une approche plus qualitative ou, dit autrement, un niveau d’exigence encore accru en matière de calme. Une zone de calme devient alors un bien rare en zone urbaine, qu’il convient de protéger.
La propagation du son obéit aux lois de la physique. Les ondes sonores interagissent avec le milieu qu’elles traversent et les obstacles qu’elles rencontrent, et qui les absorbent, les réfléchissent ou les dévient. C’est ce qui explique, par exemple, que des espaces particulièrement préservés peuvent exister au sein même de secteurs bruyants, tel que certains cœurs d’îlots. Penser la création de zones calmes dès la conception des projets d’aménagement s’avère donc crucial, surtout si l’on envisage les multiples co-bénéfices d’ordre social (création de lien et augmentation des activités favorables à la santé et au bien-être), environnemental (lutte contre les îlots de chaleur urbains, préservation de la biodiversité en ville) ou en termes d’attractivité du territoire.

Quelle qu’en soit la définition, ou les critères retenus, la préservation des zones calmes constitue enfin le pendant des actions curatives mises en place pour lutter contre le bruit. Il est important que les habitants de secteurs fortement exposés puissent accéder, à proximité de leur domicile, à des espaces préservés, sécurisés et porteurs d’aménités. Car l’enjeu est bien de rééquilibrer les réelles disparités territoriales et sociales d’accès à des espaces calmes (2).

(1) Zones calmes : espaces extérieurs remarquables par leur faible exposition au bruit, dans lesquels l’autorité qui établit le plan souhaite maîtriser l’évolution de cette exposition compte tenu des activités humaines pratiquées ou prévues » (Code de l’environnement, article L572-6).
(2) Enquête Crédoc pour Bruitparif réalisée fin 2021 auprès d’un panel représentatif de 3074 Franciliens ; la fréquentation de zones de calme y apparaît comme fortement dépendante du lieu de résidence : elle passe ainsi de 53 % en Seine Saint-Denis à 73 % et 74 % respectivement en Seine-et-Marne et dans les Yvelines.


Antoine PEREZ MUNOZ
Chef du service accompagnement des acteurs, BruitParif
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