Jean Nouvel : au commencement l'émotion

Cours #2 Manières de construire des mondes

Conférence du 8 février 2014 Par Richard Scoffier, architecte, philosophe, professeur des Ecoles nationales supérieures d'architecture

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Jean Nouvel travaille sur la sensation, sur l'émotion. Il s'inscrit en ce sens dans une certaine tradition moderne qui cherche à influer sur la perception pour que les espaces créés puissent apparaître plus amples, plus accueillants qu'ils ne sont réellement. Mais il pervertit ce recours à la perception en préférant exagérer les ambiguïtés et les contradictions de ses constructions, en exploitant notamment la transparence et le reflet du verre qu'il emploie abondamment. Ainsi devant les parois vitrées de la fondation Cartier le spectateur ne sait plus si ce qu'il voit est devant ou derrière lui : vu à travers le verre ou réfléchi… Ailleurs surgissent des masses opaques et vénéneuses renvoyant au sublime, cette esthétique de la terreur invoquée par Boullée et théorisée par Burke… Comme si, à l'aube du troisième millénaire, le monde ne devait plus se plier aux lois de la raison, mais se donner comme un milieu incompréhensible et magique. Comme si l'architecture n'avait nullement pour tâche de nous aider à comprendre le réel ou à le rendre plus rationnel, mais de nous stupéfier sans cesse pour mieux le réenchanter.