Se laver - Les actes fondamentaux

Université populaire - Cours #1

Conférence du 26 janvier 2019 Par Richard Scoffier, architecte, philosophe, professeur des Écoles Nationales Supérieures d'Architecture.

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Le Pavillon de l'Arsenal invite tous les publics à venir découvrir et comprendre les fondements de l'architecture au travers de cours de cette université populaire animée par Richard Scoffier, architecte, philosophe, professeur des Écoles Nationales Supérieures d’architecture.

"Se laver pour être propre ; travailler pour gagner de l’argent ; dépenser pour acquérir ce dont on a besoin ; dormir pour se reposer : ces actes triviaux semblent désespérément évidents… Ils portent en eux cependant une part obscure que dévoilent les édifices publics qui leur sont dédiés, comme si chacun de ces rituels tendait vers une exclusivité presque fanatique.
Se laver, se purifier, plonger dans l’eau du baptistère ou de la piscine pour retrouver ce sentiment océanique dont Freud nous dit qu’il serait à l’origine de toute religion… Travailler : s’engager dans un projet commun et abstrait qui possède souvent propre langage codé qu’il soit scientifique, juridique, commercial ou autre. Se sentir happé par un univers qui nous dépasse et nous transcende…
Acheter, non plus, n’a rien d’anodin. À la fois souffrance et plaisir ; à la fois sacrifice et bénéfice : perte d’un argent durement acquis et gain de l’objet ou du service parfois ardemment convoité. C’est pour cela que les échanges réclament une ambiance si spécifique, si étudiée dans toutes les civilisations. Dormir enfin… Mais pas avec n’importe qui… S’abandonner au sommeil dans son milieu : moines, étudiants, retraités, colocataires ou copropriétaires murement choisis. Comme si la perte de conscience ne pouvait s’opérer qu’à l’intérieur d’une communauté rigoureusement homogène.
Et au-delà des édifices, le désir d’absolu porté chacun de ces actes peut s’exprimer dans des quartiers, voire des villes entières : les villes thermales ou les center parcs d’aujourd’hui ; les zones industrielles, les parcs d’activité ou les technopôles ; les centres commerciaux, les malls ou les shopping centers ; enfin les condominiums et les villes privées venus d’Amérique et d’Asie qui germent désormais partout dans le monde. " - Richard Scoffier 


SE LAVER
Samedi 26 janvier 2019 à 11h 

Que faisait-on exactement dans les thermes romains ? Et pourquoi le rapport à l’eau est-il si important dans toutes les religions que ce soit le mikveh des juifs, le baptême des chrétiens, les ablutions avant la prière des musulmans ? Se laver : à fois un acte social dans les saunas, les hammams, mais aussi un geste profondément religieux, comme en témoignent les aspersions d’eau bénite, les immersions dans les fonds baptismaux… Comme si, sous prétexte d’hygiène, surgissait la volonté de se transformer, de ne pas rester cantonné dans l’état de nature, de se reconstruire, de renaître, de changer sa vie…
C’est à travers ces filtres que nous aborderons les bains et les piscines publics d’aujourd’hui : le bassin encastré dans les rochers de la côte atlantique d’Alvaro Siza ou les thermes de Vals de Peter Zumthor, les Bains des Docks de Jean Nouvel au Havre ou l’Aqualagon de Jacques Ferrier à Val d’Europe.

Biographie

Richard Scoffier est architecte et titulaire d'un diplôme d'études approfondies de philosophie. Après avoir obtenu en 1991 les Albums de la Jeune Architecture, il fonde une agence à Paris dont les maquettes d'étude ont récemment été exposées dans plusieurs Maisons de l'Architecture. Professeur titulaire de théories et pratiques de la conception architecturale et urbaine à l'ENSA de Versailles, il exerce une activité de critique et collabore depuis plus de dix ans à la revue d'A. Il a notamment publié : Scènes d'Atelier, le catalogue de l'exposition de Christian de Portzamparc au Centre Pompidou, en 1996 ; Les villes de la puissance, aux Éditions Jean-Michel Place, en 2000 ; Les 4 concepts fondamentaux de l'architecture contemporaine, aux Éditions Norma, en 2011, et le tome III de la monographie de Christian Hauvette, aux Archives d'Architecture Moderne, en 2015. Ces articles et ces ouvrages lui ont valu de recevoir en 2013 la médaille de l'analyse architecturale décernée par l'Académie d'Architecture.